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Huffington Post
10 mai 2011

Wauquiez, témoignage du "cancer"

Mon avis sur la dernière sortie de Wauquiez.

Ca fais deux jours que je me demande si c'est bien raisonnable que je parle de la phrase de Wauquiez, au sujet de ces chomeurs qui touchent le RSA et dont l'assistanat est une sorte de "cancer de la société." D'un coté, c'est directement de moi qu'il parle, de l'autre, est-ce qu'il faut répondre à la provocation la plus douteuse ?

Le seuil de pauvreté ayant été fixé à 800 euros, c'est pour moi un horizon qui me semble indépassable. Jamais en bientot dix ans que je suis sortit du cocon familial, je n'ai dépassé ces 800 euros par mois. Au début, c'était normal, j'étais étudiant. Après, c'était normal, je faisais un premier boulot. En ce moment, c'est normal, je suis au chomage.



Ca y est, je viens d'avoir 30 ans, et j'ai toujours vécu sous ce seuil d'où l'on ne peut économiser que des bouts de ficelles. Et économiser très c'est important, notamment dans une société capitaliste : c'est le moyen de se projeter dans le futur. "Quand j'aurais assez d'argent, je pourrais..." Qu'on rêve d'avoir plus d'espace, de fonder une famille, de partir au loin ou que sais-je, même pour avoir une vie de couple (ne serais-ce que pour la rencontrer... Meetic c'est cher) on a besoin de ce pécule que la société nous promet à force de patience et de travail. Sauf qu'on a beau patienter, si on a pas un travail "convenable" ça n'arrivera jamais.

Avec le Smic, le RSA, les bourses et autres "aides sociales" on est dans un statut quo, un filet de sécurité où rien ne peut bouger en bien : ok, on a de quoi se payer à manger, le loyer l'electricité, l'eau, les transports et internet, mais vaut mieux pas que qu'un imprévu nous tombe dessus. Et il n'arrête pas de nous en tomber : Entre le matériel qui pète (merci l'obsolescence programmée) les charges non prévues, les remboursements qui n'arrivent jamais au bon moment, il est dur de maintenir l'équilibre.



Il vient de m'en arriver une énorme dernièrement,
la veille de mon anniversaire : j'ai paumé mon portefeuille. Volé ou perdu, c'est une tuile immense dont je me serait bien passé : Entre les papiers à refaire, les aller et retour à la banque, les différentes administrations à contacter (Objet trouvé, commissariat, mairie, etc...) on se retrouve d'un seul coup dans une situation kafkaïenne : Vous voulez refaire votre carte d'identité, la mairie vous demande 25 euros de timbres fiscaux. N'ayant plus de carte bleue, vous allez donc à la banque pour retirer de l'argent, mais comme vous n'avez pas de pièce d'identité, on vous refuse d'en retirer de votre compte.

D'ailleurs, tel un Pierre Richard ou un Gaston Lagaffe, toute les emmerdes m'arrivent :
* Cela fais depuis vendredi que je me balade sans plus aucun papier d'identité, avec les restes de 50 euros dans la poche qu'a bien voulu me prêter mon banquier.
* J'ai bien évidemment Pole Emploi sur le dos (une employée n'ayant pas trouvé "serieux" que je cherche à être pigiste ou rédacteur web, malgré mes articles sur les blogs, sur Le Post.fr ou ailleurs "C'est du loisir, ça compte pas comme une expérience professionnelle" : "C'est pas parce que je danse 4 heures par soir devant ma glace que je deviendrai danseuse au Lido.")
* Ma propriétaire m'a dit qu'elle allait revendre l'appart et que j'avais deux mois pour partir.

Bref, j'ai 30 ans et mon futur a toujours été dans le flou total. "Ou vous vous voyez dans 5 ans ?" Me dit-on au Pole Emploi. Je ne sais même pas où je serais dans deux mois. Va faire des "projets d'avenirs" après 10 ans de tatonnements effrénés pour savoir dans quelle direction aller. 

Et à coté de cela, il y a un homme qui se pointe dans son costume que-tu-ne-pourra-jamais-te-payer et te dit que tu est le cancer de la société et qu'il faudrait qu'on te rajoute à cela 5 heures par semaines de boulot. Comme ça. Pour rien. Juste pour que tu continue à toucher des allocations qu'en tant qu'ex-travailleur tu as cotisé pour avoir.

Et surtout, lorsqu'on lui rétorque que c'est une idée pétrie de préjugés injuste, économiquement infaisable, dangereuse à terme et incroyablement mesquine, la personne te répond de façon méprisante qu'on est "des bien pensants" qui n'avons rien compris. Un peu comme un type qui te cracherait à la figure, puis te collerais une claque sous prétexte que tu l'a insulté en otant le crachat avec la main. C'est juste une attitude infecte et scandaleuse mais comme l'a dis BRP (que j'apprécie parfois et parfois pas du tout) c'est de la provocation. Ce genre de type ne veulent pas se faire aimer, ni même avancer la société, ils veulent se faire remarquer.



Ca me rappelle ce gars que j'ai vu aujourd'hui. Il était 18h00 et j'étais près à partir vers ma banque, lorsque j'ai relevé mon courrier. Un recommandé (ou un colis) m'attendait à la poste. Je me suis dis que quelqu'un avait peut-être retrouvé mon portefeuille et me l'avait envoyé par courrier. D'un autre coté, la banque fermait à 18h30 et si je passais trop de temps à la Poste, je ne pourrais peut-être pas leur fournir aujourd'hui certains papiers. 

Finalement, j'ai opté pour la Poste. J'attends dans la file des colis, soucieux et impatient. Non loin de moi, un homme attends dans la queue pour la file banque. Il est nerveux. L'homme s'aperçoit que la guichetière est parti dans l'arrière boutique. Elle tarde. Et là, il en peu plus. Il commence à demander quand la guichetière va revenir, il dit à voix haute "c'est la dernière fois que je suis client ici", puis il perd patience, commence à interroger les autres guichetiers avec des "appellez moi votre chef" et des "hé ho, je vous parle" s'ils avaient l'impudence d'être occupés avec d'autres clients. "Vous savez qui je suis moi ?" s'est-il mis à hurler.

"Je sais pas, et j'en ai rien à foutre." Ca, c'était ce que j'ai répondu à haute voix devant son manège.

L'homme s'est approché de moi : "Moi, je suis chef d'entreprise, j'ai pas que ça a faire. MOI, je bosse 7 jours sur 7. Je SUIS QUELQU'UN D'IMPORTANTS. Moi, je travaille pas au noir, moi, je ne glande pas. Moi, j'exporte de l'autre coté du panneau de Rennes."
Il me regardait avec des gros yeux de colère."CA FAIT 5 JOURS QUE J'ATTENDS !!!" Ca faisait aussi 5 jours que j'avais plus de papiers non plus, que j'étais dans une situation catastrophique et des plus flippantes. Plusieurs fois, la peur de finir SDF m'avait traversé l'esprit. Et j'aggressais pas les guichetiers pour autant.

D'un seul coup, je me suis rendu compte que le modèle vanté par Wauquiez, Sarkozy et consort, c'était justement ce genre de personnes : des businessmen bouffis d'orgueils, qui prennent tout le monde de haut et pètent les plombs à la moindre contrariété.
Ca m'a d'un seul coup rendu bien plus zen, et finalement heureux de ne pas être cet homme là.

Quant au colis, c'était juste un cadeau d'anniversaire : j'étais un peu déçu.

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