Celine, Mishima et ces écrivains qui embarrassent leur nation.

Personne n'est ni tout blanc, ni tout noir, on a beau le savoir, mais que faire des gens qui ont été à cheval sur deux extremes ?

Et surtout lorsqu'on est devenu une figure, un emblême pour la culture d'une nation, l'histoire se doit de laisser une trace de vous : ce qu'on appelle "le cliché" "la figure" : lorsqu'on pense à Victor Hugo, on a immédiatement en tête le grand écrivain, le penseur, et beaucoup moins le coureur de jupon. Idem, chez Jean Jacques Rousseau, ce qui importe c'est surtout le créateur du "Contrat Social" et absolument pas le père indigne. De Pablo Picasso à Ronsard, (en passant par Voltaire) on retient le meilleur et on oublie le pire.

Le cas de Céline est intéressant : Il est à la fois un antisémite et un collabo, et d'un autre côté ses livres sont géniaux. Mais on ne peut pas faire de distinction du romancier sans parler de l'être humain. Dans ses romans, aussi, il raconte sa haine des juifs ainsi que sa haine des arabes, des noirs, des américains, des français, des femmes, des hommes, des pauvres, des riches, et même sa haine de l'amour.

Cet homme n'aimait personne. Qui l'eut cru ?

Bref, cela fait 50 ans que Celine est mort, et la question de sa commémoration par le ministère de la culture pose problème :

- Soit vous considérez que le ministère de la culture, doit célébrer la culture, sans distinction de bien et de mal et qu'il faut rappeller que Céline est pour beaucoup, le meilleur écrivain du XXième siècle. Comme le fait mamiza dans cet article.
- Soit vous considérez que le ministère de la culture, ça reste un ministère, garant des institutions et que le rôle d'un état démocratique n'est pas de célébrer quelqu'un ayant eu des actions hostiles envers cette même démocratie. C'est en partie ce que dit Bruno Roger Petit.

Quelque soit la réponse, il y a matière à débat.

Recemment, j'ai lu sur un forum la réaction d'une lectrice qui avait du mal à lire Mishima. Et là, s'est passé une interconnexion dans mon cerveau entre Mishima et Celine.

Cet homme était un culturiste nationaliste. Qui l'eut cru ?

Yukio Mishima, en voilà un auteur qui embarrasse aussi son pays, et je serai curieux de savoir si les japonais vont se poser la question, dans neuf ans, de la commémoration des 50 ans de son suicide.

D'un coté, on pourrait parler longuement de Mishima, le romancier japonais le plus célèbre au monde. Ecrivain de l'après guerre, il écrira dans Confession d'un masque, la difficulté du désir homosexuel dans la société japonaise. Romancier infatiguable, il publiera une petite quarantaine de livres, dont de nombreuses nouvelles. Mishima est un écrivain de la cruauté et de la crudité, qui montre les aspects les plus sombre de l'être humain. Sa plus grande oeuvre reste la Tetralogie de la Mer de la fertilité.

De l'autre coté, Mishima ne devait pas un être très fréquentable : ayant honte de sa chétivité il est devenu un culturiste bodybuildé. Ayant honte de son homosexualité il se masqua dans la figure du père hétérosexuel. Ayant honte d'être fasciné par la culture étrangère, il devint un patriotique effréné.
Une fois la Mer de la fécondité finie, Mishima et quatres de ses disciples, tenterent carrement de fomenter un coup d'Etat. Ils prirent otage le commandant en chef des forces d'auto-défense et tenterent d'instrumentaliser l'armée afin de rétablir le japon traditionel et de redonner sa toute puissance à l'empereur du japon. Ce fut un ratage, honteux, Mishima et son amant se suicidèrent par Seppuku, un rituel japonais d'éventrement qu'on confond fréquemment avec le Hara-Kiri.

Alors vous comprenez à quel point les japonais sont très génés lorsqu'on leur parle de Mishima.

Du coup, je me pose une question. Y a t'il eu dans l'histoire de l'art des autres pays, d'autres artistes "embarrassant" : artistes géniaux mais aux idées clairement hostiles à la démocratie, ou ayant des idées complètement pourries ?

Faites moi, faites nous découvrir.