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Huffington Post
31 août 2011

La pauvreté : Mode d'Emploi.

Pôle emploi, photo d'illustration

Pôle emploi, photo d'illustration | Max PPP

Un français sur sept vit sous le seuil de pauvreté. Comme tout un chacun, voilà comment je me débrouille.

"Bienvenue dans la pauvreté." C'est le bandeau qu'on ne vous déroulera jamais : que vous ayez été viré de votre boulot, que vous voyez vos heures supplémentaire disparaitre ou que votre retraite soit misérable, vous êtes de plus en plus nombreux de jour en jour à ne pas dépasser la barre fatidique des 950 euros par mois.

Personnellement je n'ai jamais dépassé ce seuil, même à l'époque où j'enchainais plusieurs contrats de travail, et à vrai dire, je ne croise pas beaucoup de personnes qui l'ont dépassé. Et pourtant, j'ai vécu dans des quartiers résidentiel, je suis ouvert sur les gens et on arrête pas de me traiter de "journaliste bobo" (donc de bourgeois) sur Le Post. C'est dire si je suis un privilégié. (Bizarre que je sois devenu journaliste d'ailleurs.)

Du coup, je répond à la question qui avait été posé par Le Post dans un article ce matin "Comment faites vous pour vivre avec moins de 950 euros ?" : Alors, évidemment, c'est un autre son de cloche que cet autre post, celui d'une personne vivant à 850 euros par mois, et qui a, un temps, basculé dans l'illégalité. Je n'ai jamais été jusqu'aux même extrémité que lui et connait peu de gens qui soient allés jusque là, ou alors vraiment aux trentième dessous.


Personnellement, j'en suis aux alentours de 650 par mois, mais cela dépend des mois, les versements n'étant pas vraiment régulier (j'ai vu mon compte faire des yoyos de 1000 euros suite à des remboursements ératiques.) Après on tente de garder un budget équilibré avec tout ça :

Alors, comment je fais pour vivre ? Point par point :

Le transport :
La règle, c'est de ne jamais quitter la ville.

J'ai la chance d'habiter sur Rennes où justifiant d'une situation de chomeur, j'ai le droit aux transports en communs gratuits pour une durée de 6 mois. Pour cela, il faut monter un dossier, et se faire suivre par une assistante sociale. Et ça, on s'en passerait bien, car la rencontrer  demande de fournir des papiers, mais surtout de ravaler sa fierté et de passer son temps à se justifier d'être pauvre : réénumérer son CV, sa vie, ses mois, voire ces années perdus comme s'ils s'agissaient de défaites. Chose que l'on est déjà obligé de faire, à la CAF et à Pôle Emploi. Rien que pour cela, je me demande limite si je préférais pas frauder le bus.

Pour le reste, il faut éviter de vouloir (ou de devoir) partir. J'ai beaucoup été invité cet été, j'ai refusé de partir la plupart du temps, sauf pour le mariage de mon frère, et un ou deux week-end éparpillé. Là encore, c'est au niveau du moral que ça pèche toujours : A la question "tu pars où cet été ?" répondre "je pars pas" pour la deuxième année consécutive, ça fait toujours mal au coeur.

Alors du coup, on prend des billets moins cher, des trajets de bus interminables, du covoiturage.... et parfois on part en stop.



On se dit qu'on peut tomber sur n'importe qui, se faire braquer ou se faire violer, mais tant pis. En règle générale, j'ai rencontré beaucoup de gens aimables, causant ou agréable sur la route et ça a très souvent été une bonne surprise. A vrai dire, mis à part quelques gens ronchons, aucune personne ne m'ayant prise ne m'a fait peur. Par contre, ce que  je constate c'est que les gens sont de plus en plus nombreux comme moi et que je croise de plus en plus d'autostoppeur à des endroits où quelques années auparavant, j'étais le seul à poucer.

Du reste, je n'ai pas de voiture, donc cela fait quand même des frais en moins, entre l'essence, l'assurance et les éventuelles réparations. On m'a demandé si ça m'embêtais pas de ne toujours pas avoir le permis, quand est-ce que j'allais le passer, avoir ma voiture à moi. Je leur répond qu'on verra ça le jour où j'aurai un emploi stable.

L'habitation :

Il y a 4 ans, lorsque j'étais étudiant, j'étais dans un appartement en colocation, à 200 euros (charges comprises) par mois, dans un quartier chic, et j'estimais déjà que ça faisait cher pour le peu que je gagnais. De déménagements en déménagements (les propriétaires changent vous obligeant parfois à partir), je me retrouve à 300 euros (charges comprises) toujours en colocation et en banlieue.

En ce moment, la colocation se passe très mal, car j'ai accepté de vivre avec quelqu'un dont le caractère est totalement opposé au mien, mais on DOIT faire avec. Par contre la vie dans les quartiers populaire est moins pire que je ne le pensait : ok, il y a toujours plein de bandes de jeunes qui squatte des bancs à droite ou à gauche, mais ils ne font rien de bien méchant. Mieux, c'est même le seul quartier un peu vivant au coeur du mois d'Aout, avec des gosses qui jouent à chat dans la rue, là où ailleurs c'est désert.

Evidemment, avec le déménagement, on avance souvent des frais considérables : loyer d'avance, caution, double loyer (le temps de déménager de l'un à l'autre), frais de résiliations d'abonnements à internet, réglements d'impayés, etc.... Et une partie d'argent que je ne reverrais jamais. Voilà où aurait pu passer l'argent que j'aurai pu utiliser à partir en vacances. Cerise sur le gâteau, la CAF m'a envoyé une lettre me disant que j'avais trop perçu d'eux et que c'était à moi de leur rembourser de l'argent.

Lorsqu'on me demande si ça m'emmerde pas à trente ans de vivre encore dans un appartement exigu avec des gens qui me plaisent pas, je leur réponds que je verrais le jour où j'aurais un emploi stable.

La nourriture :
C'est la seule partie du budget pour laquelle je n'ai jamais eu de problème. A vrai dire, je mange assez peu, et surtout, je mange seul. Je n'ai jamais été dans le cas où je devais boucler un budget à long terme pour plusieurs personnes et du coup, je ne suis pas dans un cas où je pourrais m'afficher aux restos du coeur.

Alors évidemment, je mange des produits bas de gamme, je mange parfois une fois par jour un gros sandwich. C'est totalement pas sain du tout, mais on verra le jour où j'aurai un emploi stable.

La santé :
J'ai attendu pendant des mois la CMU, laissant mes grosses caries  car je n'avais pas les moyens de régler. Ok, depuis que je l'ai, cela va mieux, les petits tracas de santé sont un moins gros problème. De l'autre, la CMU n'est pas vraiment une largesse dont on profite en ce disant "chouette, puisque je ne paye pas le médecin je vais y aller 5 fois par semaine" : Ca te soulage temporairement.

Du reste, tout n'est pas remboursé. Aujourd'hui, mon dentiste m'a demandé si un jour je comptais me faire poser un bridge ou des dents sur pivot pour combler certains trous lamentables. Je lui ai répondu qu'on verra le jour où... mais je pensais que vous avez compris la rengaine.

L'équipement :
Tout vient d'Emmaüs, sauf mon fauteuil qui à été volé dans une cité U. Et, de toute façon, c'est tellement petit que j'ai pas beaucoup besoin de meubler.

Par contre, mon ordinateur est en fin de vie. Si au départ, ça ne me génait pas, j'ai de plus en plus de problèmes à communiquer, les logiciels changent alors que mon PC ne suis pas. Du coup, je dois parfois répondre par message textuel à un interlocuteur qui me parle via un micro, et passe pour un attardé. Sans parler du montage vidéo sous Linux qui plante souvent, et de la carte mère qui commence à mourir.



Du reste, j'en racheterais un ordinateur neuf lorsque....

Le chomage :



Contrairement à ce que raconte cette tribune d'opinion, postée mardi par un type méconnaissant son sujet on est loin de se "complaire" dans "l'assistanat." Et surtout, si vous avez bien lu mon article, vous comprendrez que si l'on peut vivre avec les minima, à long terme on repousse à demain toute possibilité de "vivre mieux" et on ne peut jamais se projeter dans le futur.

Et encore, j'ai la "chance" d'habiter en ville et donc d'avoir le transport gratuit, mais j'ai fais connaissance avec pas mal de chomeurs, isolés dans leur campagne, n'y connaissant rien à internet, n'ayant pas de débouchée à plus de 100km à la ronde. Pour eux, tout est encore pire. 

Et surtout, l'angoisse la plus terrible c'est de ne pas savoir quand on va s'en sortir.

Du coup, moi j'accepte toutes les plans, même les plus foireux, sans même avoir les moyens de négocier quoi-que ce soit : faire des pages non payés pour un magazine qui sortirait hypothétiquement ? On le fait. Devoir répondre à n'importe quel annonce même à 15.000 bornes ? C'est parti.

Et le temps, passe. Et les potentiels employeurs vous trouvent vieux et inexpérimenté, vous reprochant d'avoir "perdu du temps" à faire des jobs alimentaires, pendant que les gens de Pôle Emploi, veulent que vous retourniez faire des jobs alimentaires. Et vous luttez entre ces deux forces contradictoires. Et c'est usant.

Alors on passe notre temps à se justifier, à se justifier d'être pauvre, à se justifier d'être vieux (à 30 ans), à se justifier de ne pas pouvoir être mobile, à se justifier de ne pouvoir être joignable, à se justifier de ne pas avoir contacté des entreprises pour un stage, à se justifier d'avoir un trou dans son CV, à se justifier d'être fatigué et de ne pas avoir la totalité de son temps disponible parce que "après tout, tu fous rien, t'es au chomage."

Tout ce qu'on gagne, c'est l'impression d'être les fainéants les plus travailleurs qu'on ai jamais connu.

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